Le nouveau jeu des canadiens de Compulsion Games (We Happy Few), révélé en 2023 lors du Xbox Games Showcase, n’avait pas besoin de crier pour attirer l’attention. South of Midnight impose sa présence avec une direction artistique décalée, un univers métaphorique et une ambiance rare dans le paysage des jeux narratifs modernes. Avec sa sortie ce 8 avril prochain sur Xbox Series X|S, Game Pass et PC après 7 années de développement, le soft choisit une approche tranchée : réduire la voilure sur la complexité du gameplay pour mieux faire résonner son univers.

Cette aventure en solo, courte mais dense, oscille constamment entre modernité et nostalgie. D’un côté, une écriture qui flirte avec les contes folkloriques et un esthétisme stop-motion; de l’autre, des mécaniques de jeu vues et revues. Cette dualité, volontaire ou non, donne à South of Midnight une saveur à part, entre immersion soignée et design de gameplay minimaliste.

L'aventure est charmante et fait du bien au paysage vidéoludique.

South of Midnight, une aventure ancrée dans le folklore du Sud profond

Dans South of Midnight, le joueur prend les commandes d’Hazel, une jeune femme originaire de la ville fictive de Prospero, plantée en plein cœur du Sud profond des États-Unis. Un ouragan fait rage, les repères s’effondrent, et la réalité semble peu à peu déraper. C’est dans ce contexte désaxé que Hazel découvre une forme de magie ancestrale nommée « tissage », qu’elle devra apprivoiser au fil de son périple pour tenter de retrouver sa mère et redonner souffle à une terre malade.

Le titre puise son inspiration dans les légendes locales, les fables orales et les croyances afro-américaines, comme en témoignent par exemple la présence de créatures mythiques inspirées du hoodoo ou les dialogues ponctués d’expressions vernaculaires. Ici, les monstres ne sortent pas des donjons mais des marais. Les voix chuchotent depuis les branches de cyprès et les ruelles abandonnées de villes étouffées par l’humidité. Cette atmosphère, entre délires mystiques et réalisme magique, confère à l’expérience une coloration presque littéraire, loin des standards habituels du genre.

Les marais de South of Midnight sont un régal pour les yeux

La narration s’appuie sur une structure narrative simple, sans embranchement superflu ni surcharge mécanique, qui laisse toute la place à la mise en scène et à l’univers du jeu. Le joueur progresse dans une structure linéaire assumée, sans détour ni embranchement artificiel. Tout repose sur la progression d’Hazel, à travers des zones séquentielles qui traduisent autant l’état du monde que l’évolution psychologique du personnage. Cette manière de raconter une histoire par l’environnement et l’agencement des lieux n’est pas nouvelle, mais elle est ici maniée avec cohérence.

Ce qui frappe, c’est à quel point le jeu embrasse son ancrage culturel. Peu de jeux contemporains mettent en avant le patrimoine du Sud américain avec une telle sincérité. Le travail de fond sur l’ambiance sonore, les accents, les expressions locales et les créatures issues du folklore sudiste est palpable, donnant à l’ensemble une texture presque documentaire.

Une direction artistique qui raconte à elle seule une histoire

L’identité visuelle de South of Midnight ne ressemble à rien d’autre dans le paysage actuel. Avec son rendu stop-motion volontairement désarticulé, proche de certaines animations artisanales des années 70, le titre crée une rupture esthétique immédiate. Les mouvements des personnages, saccadés, presque fragiles, participent à cette sensation de conte en perpétuel décalage avec la réalité. Ce choix pourrait dérouter certains joueurs, mais il s’inscrit dans une démarche artistique cohérente avec l’univers mis en scène. Pour ceux que cela rebute, une option permet de désactiver cet effet durant les phases de gameplay.

South of Midnight de Compulsion Games fait penser aux animations artisanales des années 70

La palette chromatique, dominée par des tons terreux et moites, accentue l’ancrage dans un Sud étouffant, tandis que les éclairages surnaturels viennent ponctuer les moments charnières avec une force visuelle certaine. On sent une direction artistique qui ne se contente pas d’être jolie, mais qui réfléchit à chaque plan, chaque texture, chaque détail.

Pour sa part, la mise en scène, elle, joue avec les codes du théâtre d’ombres et du livre illustré. Certains segments adoptent un cadrage presque cinématographique, avec un soin particulier porté à la composition visuelle. Cette volonté de styliser même l’action la plus anodine traduit une ambition rare dans un jeu de ce gabarit.

Enfin, les personnages secondaires et les créatures que croise Hazel bénéficient d’un design aussi déjanté qu’attachant. Entre figures grotesques et esprits bienveillants, chacun d’eux semble sorti d’une vieille chanson populaire ou d’un grimoire oublié. Leur modélisation, bien que stylisée, renforce l’étrangeté ambiante tout en soutenant la narration. Dans South of Midnight, la D.A ne vient pas en supplément du scénario : elle en est le moteur.

Un gameplay calibré qui rappelle l’époque Xbox 360

Une fois la fascination pour l’univers posée, le titre de Compulsion aborde la dimension ludique sous un tout autre angle. Ici, pas de système tentaculaire, de carte regorgeant d’icônes ou de mécanismes imbriqués. Le jeu adopte une approche volontairement sobre, presque nostalgique, en s’appuyant sur les fondamentaux des action-aventure des années 2000.
Dès les premières heures, le gameplay se montre accessible : attaques légères et lourdes, roulades pour esquiver, sauts précis, et quelques compétences magiques liées au tissage. Rien de révolutionnaire, mais l’ensemble fonctionne, grâce à une prise en main fluide et une lisibilité des affrontements bien calibrée. Peu à peu, de nouvelles mécaniques viennent étoffer l’arsenal d’Hazel, sans jamais complexifier à outrance : l’accent reste mis sur l’efficacité.
Cette simplicité assumée s’applique aussi aux phases de plateforme, où Hazel enchaîne grimpettes, sauts muraux et déplacements rapides avec une fluidité certes perfectible, mais rarement punitive. Le plaisir vient davantage de l’enchaînement des actions que d’un défi technique. C’est dans cette logique que l’exploration, bien que limitée, conserve un certain attrait : fouiller les environs permet de récupérer des ressources ou débloquer de petits bonus liés à la progression.
Par ailleurs, la structure des niveaux – compacte, linéaire, sans perte de temps inutile – renforce cette impression de retour aux sources. On navigue dans des espaces aux contours nets, pensés pour rythmer l’aventure sans jamais surcharger le joueur. Cette approche directe, sans rondeurs superflue pourra décevoir les amateurs de systèmes riches et imbriqués, mais ravira ceux qui cherchent une expérience claire, contenue, et sans distractions artificielles.
Enfin, si certaines imprécisions se font parfois sentir – collision un peu floue, détection de coups perfectible – elles n’entachent pas vraiment le rythme général. Le système de combat atteint même une forme d’équilibre satisfaisant dans les séquences où Hazel affronte plusieurs types d’ennemis simultanément, mêlant attaques mêlées, pouvoirs télékinétiques et déplacements dynamiques. Une exécution classique, certes, mais plutôt maîtrisée.

Des mécaniques classiques mais bien exécutées

À ce stade, on pourrait croire avoir fait le tour des propositions ludiques du jeu. Pourtant, c’est dans le détail de ses systèmes que le jeu parvient à maintenir l’intérêt du joueur. Bien que peu audacieuses sur le fond, ses mécaniques reposent sur un dosage précis, pensé pour éviter la surcharge ou la lassitude.
Par exemple, le système de progression ne réinvente rien : chaque ennemi vaincu, chaque objet collecté, alimente un ensemble d’améliorations qui permettent à Hazel de renforcer ses capacités. Le joueur peut ainsi investir dans l’efficacité de ses attaques, la portée de ses pouvoirs ou encore sa mobilité. En somme, une grille d’évolution linéaire mais claire, sans embranchement inutile, qui a le mérite de rester lisible à tout moment.
De la même manière, les phases de combat, bien que répétitives sur la durée, s’enrichissent subtilement grâce à l’introduction de nouveaux ennemis. Chacun possède un comportement propre, obligeant le joueur à adapter ses enchaînements et à combiner les différents outils mis à sa disposition. Cette montée en complexité, même modeste, empêche le jeu de sombrer dans la monotonie.
Il en va de même pour l’exploration : les zones traversées n’offrent qu’un nombre limité de secrets ou d’embranchements, mais elles sont rythmées par des éléments de décor interactifs, des passages dissimulés ou des fragments de narration environnementale. Rien d’obligatoire, mais suffisamment bien placé pour inciter à la curiosité sans casser le rythme de progression.
En définitive, la force du jeu réside moins dans l’originalité de ses mécaniques que dans leur articulation. Chacune remplit un rôle précis, s’insère au bon moment, et laisse au joueur juste ce qu’il faut d’espace pour s’approprier son aventure sans être noyé sous les systèmes. Un équilibre fragile, mais maîtrisé, comme en témoignent les enchaînements fluides entre exploration, affrontements et petites phases de progression qui ponctuent chaque zone.

Ce que South of Midnight dit de l’industrie actuelle

Au-delà de ses qualités propres, South of Midnight est une pépite pour ce qu’il symbolise dans le paysage du jeu vidéo actuel. Ces temps-ci, le secteur est dominé par les expériences tentaculaires, les mondes ouverts à rallonge et les systèmes de progression à tiroirs. Alors voir un jeu narratif, linéaire et du contenu émerger d’un studio first-party a presque des allures de manifeste.

Ce choix de recentrage, loin d’être un repli, apparaît plutôt comme une affirmation artistique. Compulsion Games propose ici une œuvre compacte, sans fonctionnalités multijoueurs, sans cartes fourre-tout, sans loot en cascade. Un jeu qui raconte une histoire, visuellement marquante, avec un gameplay qui ne cherche pas à tout faire mais à bien faire ce qu’il entreprend.

De fait, South of Midnight rappelle l’importance des projets intermédiaires dans l’écosystème du jeu vidéo. Ces titres dits « double A », rares et rarement mis en avant aujourd’hui, permettent d’explorer des directions artistiques singulières tout en conservant un format accessible, tant en durée qu’en prise en main. C’est précisément cette niche que le jeu vient nourrir, et avec une certaine élégance.

Le jeu va selon nous au-delà du simple produit de consommation vidéoludique et représente un contre-pied assumé aux standards industriels actuels. Un rappel bienvenu que l’ambition peut se loger dans la sobriété, et que l’originalité n’est pas forcément affaire de démesure.

Points positifs :

  • Une direction artistique marquante et cohérente

  • Un univers folklorique riche et original

  • Une narration maîtrisée et bien rythmée

  • Une structure linéaire rafraîchissante dans le contexte actuel

  • Une durée contenue au service de l’intensité

Points négatifs :

  • Un gameplay qui reste trop classique

  • Une progression peu inventive

  • Des imprécisions techniques dans les combats

  • Une rejouabilité quasi inexistante


Fiche technique de South of Midnight :South of Midnight sortira le 8 avril sur Xbox et PCÉditeur : Microsoft
Développeur : Compulsion Games
Date de sortie : Le 8 avril 2025 sur Xbox Series X/S et PC
Type : Action-aventure
Langue : Français

NOS NOTES ...
NOTE GLOBALE
6
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Terry 4WAG
Juste un homme qui donne vie à ses idées du haut de son clavier. Curieux de technologies et toujours enthousiaste pour les sorties vidéoludiques, je tâche de rester neutre sur un terrain ou une guerre de consoles inutile fait rage.
south-of-midnight-jeu-narratif-compulsion-gamesEn ces temps où l’expérience vidéoludique est souvent diluée dans l’excès – qu’il s’agisse de cartes tentaculaires, de quêtes secondaires interminables ou de mécaniques superposées sans cohérence – south of midnight propose une respiration. C’est un jeu qui ne cherche pas à occuper le joueur pendant des dizaines d’heures, mais à lui offrir un voyage ciblé, au ton singulier, façonné avec attention. En cela, il s’adresse autant à ceux qui aiment les récits contenus qu’à celles et ceux qui regrettent une certaine époque du jeu d’aventure narratif, celle où le plaisir tenait autant dans l’ambiance que dans les systèmes. Ce retour à l’essentiel n’est pas un aveu de faiblesse, mais un choix de mise en forme. Compulsion Games livre ici un projet à l’échelle humaine, où la maîtrise prime sur l’ampleur. C’est cette cohérence – entre fond et forme, entre ton et ambition – qui donne au soft sa légitimité dans un marché souvent dominé par la surenchère. Une œuvre qui n’a pas besoin d’être parfaite pour mériter qu’on s’y attarde, et dont l’existence suffit, en soi, à justifier l’intérêt qu’on lui porte.

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