Avec Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim, Warner Bros. revient en Terre du Milieu pour proposer un nouveau regard sur l’univers de Tolkien. Cette fois, il ne s’agit ni d’une trilogie épique ni d’une adaptation directe des romans, mais d’un film d’animation situé plusieurs siècles avant les événements de Frodon et de la Communauté.
Conçu pour s’insérer dans la chronologie établie par Peter Jackson, ce projet soulève autant d’attentes que de questions sur sa raison d’être.
Entre héritage assumé et stratégie commerciale, l’initiative s’avère plus complexe qu’il n’y paraît.
La Guerre des Rohirrim s’invite dans l’univers de Peter Jackson
Derrière La Guerre des Rohirrim se cache une motivation contractuelle claire : Warner Bros. devait produire une œuvre liée à l’univers du Seigneur des Anneaux afin de conserver ses droits d’exploitation cinématographique. Bien que cette donnée soit extérieure à l’intrigue du film, elle influence évidemment sa conception. Le choix d’un format animé, moins onéreux qu’un long-métrage live-action, répond ainsi autant à une logique de coûts qu’à une volonté de diversifier l’approche artistique.
Pour autant, Warner Bros. n’a pas traité le projet comme un simple exercice administratif. Le film s’ancre officiellement dans la même continuité que la trilogie de Peter Jackson. L’univers visuel, la conception sonore et même certains personnages emblématiques font le lien avec les films réalisés deux décennies plus tôt.
Cette filière artistique assumée est renforcée par la présence de voix familières, comme celle d’Éowyn, narratrice du récit, et par quelques motifs musicaux directement inspirés de la partition originale de Howard Shore.

Au-delà de l’aspect formel, le scénario explore une époque précédente à celle des romans, celle du roi Helm Hammerhand, souverain de Rohan, dont le destin tragique a donné son nom à la fameuse Gorge de Helm.
Ce choix permet à la production d’éviter les figures les plus connues de la saga tout en élargissant le mythe de la Terre du Milieu à travers un pan de l’histoire encore méconnu du grand public.
Une animation façon Fire Emblem qui bouscule les codes de la Terre du Milieu
Dès les premières images, La Guerre des Rohirrim impose une esthétique radicalement différente de celle des films live-action. Optant pour une animation délibérément inspirée du style anime japonais, le film rappelle visuellement des productions comme Fire Emblem, avec ses lignes marquées et ses couleurs vives. Cette orientation artistique tranche nettement avec l’aspect plus naturaliste et sombre de la trilogie de Peter Jackson, créant ainsi un écart stylistique qui ne fait pas l’unanimité.
Toutefois, la volonté de maintenir une cohérence avec l’univers cinématographique précédent se manifeste par de nombreux détails. Le design des armures, l’architecture des forteresses et certains motifs musicaux emblématiques servent de passerelles visuelles et sonores.
Malgré ces clins d’œil récurrents, le décalage ressenti par les spectateurs est accentué par la technique d’animation employée : si les images fixes offrent des compositions superbes dignes d’être encadrées, l’animation en mouvement souffre parfois de saccades et d’un manque de fluidité perceptible.

En dépit de ces choix esthétiques discutables, le film assume pleinement son ambition de revisiter la Terre du Milieu sous un angle graphique nouveau. Cette prise de risque, si elle peut dérouter une partie du public fidèle à la vision de Jackson, s’inscrit aussi dans une démarche de renouvellement nécessaire pour faire vivre une licence au-delà de ses figures emblématiques.
Ainsi, tout en divisant, l’approche visuelle de La Guerre des Rohirrim affirme une volonté de différenciation assumée.
Une histoire de vengeance qui redonne un visage plus humain à la Terre du Milieu
Sur le plan narratif, La Guerre des Rohirrim adopte une approche plus intime que celle des grandes fresques épiques habituellement associées à Tolkien. Le film relate l’histoire de Helm Hammerhand, roi de Rohan, engagé dans un conflit personnel contre un seigneur rival. Cette querelle familiale, dégénérant en guerre ouverte, sert de toile de fond à une intrigue centrée sur le siège d’un lieu emblématique : la future Gorge de Helm.

En s’écartant des enjeux cosmiques liés aux Anneaux de Pouvoir ou à Sauron, le récit rappelle que la Terre du Milieu est aussi rythmée par des conflits humains plus terre-à-terre. Ce choix de recentrage donne au film un caractère plus sobre, bien que certaines scènes épiques viennent ponctuer l’ensemble pour maintenir la tension dramatique.
Cependant, ce parti pris narratif s’accompagne d’une liberté déroutante vis-à-vis du matériau d’origine. Afin d’apporter une dynamique nouvelle, le scénario introduit un personnage central absent des œuvres de Tolkien : Héra, la fille de Helm Hammerhand. Ce choix de mettre en avant un personnage féminin créé pour l’occasion reflète une volonté d’adaptation aux attentes contemporaines, mais il suscite aussi des interrogations sur la fidélité à l’esprit original de l’auteur.
De plus, certains éléments narratifs paraissent recyclés. Le thème de la défiance envers les hommes et de leur têtutesse, déjà présent dans Le Seigneur des Anneaux avec Théoden, trouve ici un écho parfois redondant. De même, le siège de la forteresse rappelle inévitablement celui de Helm’s Deep, au risque d’atténuer l’impact de l’histoire auprès d’un public familier de la saga cinématographique.
Quand longueurs et clins d’œil nostalgiques freinent La Guerre des Rohirrim
Au-delà de son récit centré sur la vengeance, La Guerre des Rohirrim souffre d’un problème de rythme qui entame progressivement son impact. Avec une durée avoisinant les deux heures quinze minutes, le film étire une intrigue relativement simple sur un format qui semble parfois disproportionné. Dès lors, certaines séquences paraissent superflues et auraient gagné à être condensées pour maintenir l’intensité dramatique.
En parallèle, le film multiplie les références explicites aux œuvres précédentes de la saga cinématographique, dans une volonté évidente de raviver l’attachement des spectateurs. Si certains clins d’œil discrets, comme l’évocation de motifs musicaux de Howard Shore, apportent une certaine cohérence, d’autres inserts paraissent plus artificiels. L’apparition du Guetteur de l’Eau, par exemple, pourtant emblématique dans La Communauté de l’Anneau, surprend par son contexte inadapté au cœur du Rohan, brouillant ainsi la crédibilité géographique de l’univers.

Cet empilement de rappels nostalgiques finit par alourdir l’ensemble, donnant parfois le sentiment que le film cherche davantage à forcer la reconnaissance qu’à développer ses propres enjeux. De plus, certaines incohérences narratives viennent fragiliser la suspension d’incrédulité, à l’image des capacités presque surnaturelles prêtées à Helm Hammerhand sans véritable explication scénaristique. Ces éléments, s’ils n’effacent pas totalement les qualités du projet, contribuent néanmoins à diluer l’efficacité de l’ensemble.
Ce qu’on retient vraiment de La Guerre des Rohirrim
Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim illustre la complexité d’étendre un univers aussi dense que celui de Tolkien sans en dénaturer l’esprit. En choisissant un format d’animation hybride et en explorant une histoire moins connue, Warner Bros. livre un projet qui, malgré ses limites, témoigne d’une certaine audace. Si l’ambition de lier respect du canon et innovations visuelles est perceptible, elle s’accompagne aussi de concessions évidentes aux réalités commerciales. Le film parvient ainsi à élargir la mythologie de la Terre du Milieu tout en rappelant, parfois lourdement, ses fondations iconiques.
Cette optique révèle surtout à quel point l’équilibre est difficile à atteindre lorsqu’on hérite d’une œuvre patrimoniale. D’un côté, l’effort de diversification narrative offre une respiration bienvenue loin des enjeux monumentaux habituels. De l’autre, le recours appuyé aux références connues et une durée peu maîtrisée pèsent sur le rythme et la fraîcheur de l’ensemble.
La Guerre des Rohirrim est donc plutôt un épisode de transition que comme un chapitre essentiel, un pont entre fidélité et adaptation qui séduira surtout les curieux désireux d’explorer d’autres facettes de la Terre du Milieu.
Le film est dès à présent disponible au format physique ainsi qu’en vidéo à la demande sur Amazon Prime et Max.