Après de nombreuses années d’attente, Alan Wake 2 pose enfin ses bagages sur les nouvelles consoles et PC. Souvent pointé du doigt pour ses graphismes époustouflants et ses rares apparitions très prometteuses, le jeu s’avère être par la même occasion le projets le plus ambitieux du studio, loin devant l’excellent Control. Mais Remedy ont-ils toujours cette fibre créatrice de chefs d’œuvre du genre horreur ?
Le début d’une longue descente aux enfers dans Alan Wake 2
Dès les premières minutes, Alan Wake 2 plonge le joueur dans une atmosphère énigmatique et inquiétante. Avec des phrases telles que : « Dans une histoire d’horreur, il n’y a que des victimes et des monstres, et l’astuce est de ne finir ni comme l’une ni comme l’autre« , on perçoit la profondeur et l’ambition de ce titre. Le joueur est immédiatement placé dans une scène subversive, où le contrôle d’un homme d’âge moyen, émergeant nu d’un lac en pleine nuit, est donné. Cette entrée en matière, ponctuée d’un meurtre d’une violence rarement vue dans l’univers vidéoludique, pose le ton du jeu.
L’empreinte de Remedy Entertainment est indéniable. Le studio, avec ses 28 ans d’expérience, a toujours flirté avec une logique surréaliste dans ses productions, de Max Payne à Control. Cependant, avec ce nouveau jeu, ils atteignent un nouveau sommet. Ce soft nous entraîne dans un cauchemar « lynchien », prenant la forme d’une enquête policière lente et déroutante. Chaque moment où le joueur pense saisir un fragment de vérité, le titre le tire plus profondément dans ses bois mystérieux et tordus.
Des personnages inoubliables et une intrigue captivante
La trame principale du jeu nous fait découvrir Saga Anderson, une agent du FBI. Contrairement aux autres jeux de Remedy, qui flirtaient avec des éléments d’enquête, Alan Wake 2 place cette mécanique au cœur du gameplay. Anderson, avec son blouson marqué du sigle de son employeur, fouille les environnements à la recherche d’indices, dialoguant avec son partenaire, l’agent Alex Casey. Ce dernier, notons-le, est interprété par le directeur créatif du jeu, Sam Lake. Anderson se déplace dans un palais mental 3D, reliant les indices entre eux. Chaque déduction faite avance l’histoire, chaque action est une source de tension. L’approche du genre survival horror est palpable : chaque balle compte, chaque tir est un spectacle en soi.
La complexité de l’intrigue est encore accentuée par les habitants de Bright Falls. Ceux-ci reconnaître Anderson d’un passé tragique qu’elle ne semble pas se rappeler. Par ailleurs, Alan Wake, l’écrivain du premier opus, a disparu depuis 13 ans, mais ses manuscrits continuent de surgir à travers la forêt. Anderson comprend alors qu’elle doit entrer dans l’Overlap, un espace paranormal, afin de progresser dans son enquête. Les bois prennent des formes déroutantes, défiant la logique et la perception.
Mais ce n’est pas tout. le protagoniste n’est pas simplement un nom du passé. L’écrivain se trouve dans une autre dimension, le Dark Place, où l’art peut influencer et réécrire la réalité. Wake évolue dans une version nocturne et pluvieuse de New York, modifiant cette réalité grâce à une lanterne magique ou, plus étrangement, en modifiant les histoires sur lesquelles il travaille. Ces séquences, rappelant par moments la série Dark Souls, sont déstabilisants et fascinants à la fois.
La dualité des protagonistes d’Alan Wake 2 : le cœur de l’expérience
Alan Wake 2 oscille entre deux protagonistes marquants, apportant une tension centrale au titre. D’un côté, nous avons Anderson qui s’enfonce dans les profondeurs du mystère, et de l’autre, Wake, qui tente désespérément de s’en extirper. Le cauchemar bucolique d’Anderson contraste brillamment avec l’épouvante urbaine de Wake, créant une juxtaposition qui étonne et ravit le joueur.
Bien que ces personnages puissent sembler diamétralement opposés, avec Wake portant des traits narcissiques et irascibles, et Anderson, plus rationnelle et empathique, ils partagent en réalité une méthode commune de traitement du monde. Leurs tableaux d’intrigue respectifs en sont la preuve : ils utilisent tous deux des récits comme moyen d’ordonner la réalité. En cherchant à résoudre des crimes ou à écrire des romans, chacun tente de donner un sens au chaos du monde réel. Mais en s’accrochant à la structure rassurante des histoires, ils s’éloignent de la vérité objective. À une époque où tout le monde a une histoire à raconter, Alan Wake 2 souligne brillamment que le confort et la clarté procurés par ces récits pourraient n’être qu’une illusion.
La position audacieuse prise par Alan Wake 2 est d’autant plus frappante compte tenu de sa nature résolument métatextuelle et de l’affection qu’il porte à ses influences variées. Entre le polar nordique, la fiction et la terreur lovecraftienne, le jeu brille par son hommage aux œuvres antérieures. Les références aux autres titres de Remedy, notamment à Control, sont très nombreuses. Sam Lake, le directeur créatif et scénariste, apparaît même sous les traits de plusieurs personnages. Ces moments d’autoréférence, bien que parfois à la limite de l’auto-sabotage, sont finement équilibrés, nous ramenant toujours à l’action palpitante du jeu.
Mais ce qui maintient véritablement Alan Wake 2 ancré dans la réalité, ce sont ses personnages secondaires, en particulier Alice, la femme d’Alan. Elle représente le contrepoids émotionnel nécessaire à l’étrangeté omniprésente du jeu.
Une immersion narrative profonde
La combinaison d’éléments personnels et intimes avec des touches métatextuelles, dont certaines issues de la propre vie de Lake, confère au jeu une profondeur remarquable. L’œuvre se décrit parfaitement par les mots d’un personnage : « La Terre est une chanson cyclique« . Cette phrase, parmi les dialogues pulp du jeu, se démarque par sa beauté simple. Elle capte l’essence même d’Alan Wake 2 : un jeu qui questionne profondément la notion de fiction, tant dans ses possibilités transcendantes que malignes. Et ce n’est pas seulement à travers les mots ou les images, mais aussi grâce à des mécaniques de jeu expressives et complexes.
En fusionnant tous ces éléments, Remedy et Sam Lake ont créé une œuvre horrifique dense et troublante, qui célèbre pleinement le médium vidéoludique. Les bois d’Alan Wake 2 ne chantent pas en harmonie, mais hurlent en dissonance. Et il vaut la peine de s’y perdre.
Alan Wake 2 peut prétendre au titre de GOTY 2023
Alan Wake 2 s’impose comme une prouesse narrative, exploitant avec brio les méandres de la psyché humaine et les possibilités offertes par le jeu vidéo en tant que médium. En jouant sur les dualités, le titre explore la tension entre réalité et fiction, offrant une expérience ludique qui va bien au-delà de la simple consommation passive.
Remedy, avec la direction assidue de Sam Lake, démontre une fois de plus sa maîtrise du storytelling et de l’intertextualité. Cette suite transcendante nous rappelle non seulement l’importance des histoires que nous nous racontons, mais aussi les dangers inhérents à la fusion des frontières entre la fiction et la réalité.
Ce second opus se présente comme une réflexion profonde sur la nature du récit, une exploration de l’obscurité intérieure, et une invitation à se perdre dans les bois sombres et sinueux de notre propre imagination.
Points positifs :
- Narration profonde et immersive
- Exploration réussie de la dualité entre réalité et fiction
- Des mécaniques de jeu innovantes et expressives
- Des références intertextuelles astucieusement intégrées
- Une atmosphère unique oscillant entre horreur et mystère
- Un design artistique et sonore riche et enveloppant
- Des personnages bien développés et multidimensionnels
Points négatifs :
- On a l’impression de manquer quelque-chose si on n’a pas joué à Control
- Quelques soucis techniques mineurs
- Une complexité narrative pouvant dérouter certains joueurs
Fiche technique d’Alan Wake 2:
Éditeur : Remedy Entertainment
Développeur : Remedy Entertainment
Date de sortie : Le 27 octobre sur PS5, Xbox Series et PC.
Type : Horreur
Langue : Français